Aujourd’hui est un triste anniversaire : celui d’une mort tragique arrivée aussi un lundi 4 septembre, en 1843 et la Seine fût le cadre de ce fatal événement.

Léopoldine était la fille ainée du célèbre Victor Hugo. Elle portait le nom de son frère Léopold, le premier enfant de Victor Hugo, mort à 5 mois.
Elle était depuis toute petite l’enfant chérie de son père qu’il surnommait « Didine ». Elle était vive d’esprit, intelligente, curieuse et adorait passer du temps avec son père. Léopoldine avait grandi en côtoyant les grands artistes et penseurs de son époque qui se retrouvait dans la maison familiale de la place des Vosges. On peut citer entre autres Théophile Gautier, Lamartine, Georges Sand ou Balzac.

La petite fille grandie et se transforme en une jeune fille cultivée qui aimait la poésie, la musique, dans laquelle Victor Hugo voyait comme un reflet de son propre géni. Il l’aimait et la protégeait, parfois même un peu trop. C’était lors de l’été de ses 14 ans, quelle rencontre lors d’une visite de courtoisie, Charles Vacquerie, le fils d’un armateur du Havre. Les deux jeunes s’éprennent l’un de l’autre par d’un amour passionnel, qui amènera Léopoldine à se confronter à son Père qui ne voyait pas d’un bon cette liaison car il trouvait l’homme plus âgé et bien falot pour sa fille. Ils voulaient se marier dès leur rencontre, mais plusieurs complications retarderont ce moment qui n’aura lieu que 5 ans après, le 15 février 1843 à l’église Saint-Paul-Saint-Louis dans la plus stricte intimité.
Son père déçu que sa fille lui soit arrachée lui enverra une lettre assez culpabilisante à l’hôtel où elle a passé sa nuit de noce « … à mon enfant chéri, d’une famille à l’autre, emporte le bonheur et laisse nous l’ennui. Ici on te retient, là-bas on te désire… ».

Elle s’installe chez son mari à Villequier (Seine maritime) dans une maison bourgeoise en bord de la Seine et quitte sa maison familiale à 19 ans, ses frères, sa mère et surtout son père. Mais pas sans regret, car elle passe des heures à écrire des lettres interminables pour combattre l’ennui de sa nouvelle vie.
La tragédie s’invite chez les jeunes époux seulement 6 mois après leur mariage. Le lundi 4 septembre au matin, Charles Vacquerie souhaite se rendre chez son notaire. Il va faire le déplacement dans un canot récemment construit pour son oncle, Pierre Vacquerie, un ancien marin. Il va partir avec son oncle et le fils de celui-ci, âgé de 11 ans. Il va d’abord partir sans Léopoldine qui n’avait pas fini de s’habiller, mais ironie du sort, ils vont faire demi-tour très rapidement pour prendre des pierres afin de lester le bateau. Léopoldine qui avait terminé sa toilette insiste alors pour les accompagner. C’était un jour sans vent et ils mettront beaucoup de temps à arriver chez le notaire à Caudebec, juste à quelques kilomètres.

Pour le retour, le notaire va même leur proposer sa voiture à cheval pour que le retour ne soit pas trop long. Mais malheureusement, ils vont refuser.
Sur le chemin du retour, juste avant d’arriver à destination, un vent derrière une colline va frapper le petit bateau mal équilibré et va le renverser. Les quatre occupants tombent dans la Seine et probablement enchevêtrés dans la voile, resteront coincés. Léopoldine ne savait pas nager. Des témoins oculaires vont voir en vie Charles Vacquerie qui plongeait pour chercher sa femme au moins sept fois. Quand il a compris qu’il ne pourrait pas la sauver, il a peut-être préféré périr avec elle.

Vu du méandre où le vent a fait chavirer le canot

La mère de Charles Vacquerie, en se demandant pourquoi ils n’étaient pas rentrés, avait vu de loin le bateau couché sur le côté et a prévenu un autre pilote, mais il arrivera trop tard.
On retrouvera sur les berges les corps de Léopoldine, la robe déchirée – qui montre les efforts faits par son mari pour la sortir de l’eau – et celui de Pierre, capitaine du bateau et oncle de Charles. Le lendemain, ceux de Charles Vacquerie et d’Arthur, l’enfant de 11 ans. Les quatre occupants rentrent dans la maison d’où ils étaient sortis le matin en bateau en charrette funèbre.

La robe que portait Léopoldine le jour de sa mort

Les Vacquerie préviendront la famille Hugo, mais le patriarche Victor Hugo se trouvait en vacances dans les Pyrénées avec son amante Juliette Drouet. Il apprendra la mauvaise nouvelle sur son chemin de retour en lisant un journal dans un café à Rochefort. Il arrivera le 9 septembre à Paris, trop tard pour les funérailles de sa fille. Le regret de ce moment manqué le persécutera toute sa vie.

Léopoldine est ensevelie à Villequier dans le même cercueil que son mari, Charles ; unis dans la mort à jamais.

La famille est déchirée. Le deuil s’installe et la mère de Léopoldine gardera un vrai sanctuaire des affaires de sa fille à la maison. Sa sœur, déjà faible d’esprit, va être perturbée à vie par l’événement. Elle arrivera même au point de fréquenter le frère de Charles Vacquerie et dire qu’elle voulait être ensevelie avec lui à côté de Léopoldine.

Adèle Hugo à l’époque où elle était internée.

Son père écrira les plus beaux poèmes au sujet de la mort de sa fille comme le célèbre « Demain, dès l’aube ».

Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends.
J’irai par la forêt, j’irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.