L’école nationale supérieure des beaux-arts est un centre culturel et artistique majeur dans un cadre incomparable. Du 13 octobre au 6 janvier, elle accueille l’exposition de l’artiste Georges Focus (1644-1708) dans sa galerie dédiée aux expositions donnant sur le quai Malaquais.

 

 

Cette exposition est un incontournable aux amateurs de l’art méconnu des artistes marqués par un destin tragique.
George Focus, comme si une malédiction terrible avait pesée sur lui, a connu tantôt la reconnaissance pour faire parti des grandes de son temps comme membre de l’académie royale de peinture et sculpture, tantôt l’isolement total par suite d’une maladie mentale qui l’expédiera dans un asile pour aliénés où il mourra oublié de tous.

 

Georges Focus dans sa chambre de Petites Maisons

 

On sait peu de choses de son enfance, différentes sources indiquent qu’il serait né à Châteaudun sans qu’il nous reste de trace dans les archives municipales. Sa date de naissance exacte est donc incertaine, mais située dans les alentours de 1644.

La meilleure source pour connaitre sa vie sont ses propres dessins, montrés dans cette exposition, très souvent autobiographiques sur lequel il se représente personnellement de façon assez facile à reconnaitre avec une auréole autour de la tête, comme s’il s’agissait d’un martyr.

 

 

Il va venir vivre à Paris à un jeune âge et cette période de sa vie va être marquée par différents évènements plus ou moins dramatiques qu’il va représenter dans ses dessins, comme la fois où il va avoir un accident avec un carrosse au Pont-Neuf.

 

Georges Focus s’est dessiné en train de nager dans la Seine

 

Ses dessins sont très souvent accompagnés d’un phylactère et de commentaires dont le texte nous révèle parfois l’étendue de sa vaste culture, avec une écriture très serrée et remplie d’idées obsessives.

Voici celui relatif au dessin de son accident au pont-neuf :

Accident évité aux abords du Pont-Neuf
Alors qu’on boit par trop de vin en son enfance
L’oncourt risque de se trouver dessous les pieds de la chevance
Pour en avoir trop pris dedans la cave de la frangée
Le bon petit Jésus pense être écrase de cette carrossée
Courant a toute Bride, lâchée à titre d’haleine,
De dessus le col des chevaux, mais la blonde samaritaine
En L’air, par le commandement du temps
Fit arrêter le carrosse en promettant de donner de son eau a cet ivrogne enfant,
Ce qui, par un coup du ciel, fut fait pour son salut
Le timon sur le côté le jetant, la vie sauvée il eut

 

Accident de Georges Focus lorsqu’il était enfant dans les abords du Pot-neuf

 

 

Dans un angle, détail d’un rat avec un rabot

 

Il habite toujours proche de la Seine au quai de la mégisserie, rue de la monnaie, puis dans la rue Saint-Thomas-du-Louvre (aujourd’hui disparue), donc les bords de Seine vont être très présent dans ses dessins et il nous les découvre dans les moindres détails. On peut voir des paysages de la Seine et ses ponts avec des représentations de vendeurs ambulants, des porteurs d’eau et de spectacles de rue comme ils étaient autrefois.

 

 

Des idées obsessives vont se répéter dans ses dessins, par exemple un fait divers qui l’avait marqué durant son enfance. Un loup avait semé la panique dans la banlieue proche de Paris dans la forêt de Milly où il aura mangé cent quatre personnes avant d’être abattu en 1653. Il va donc ajouter des loups de façon régulière dans ses dessins avec différentes attitudes, des plus agressives aux plus maternelles.

 

 

 

On trouvera également de façon obsessive de petits oiseaux avec une auréole, parfois nombreux, parfois un seul, dans presque la totalité de ses dessins exposés.

 

D’autres éléments se répètent très souvent comme la faux ou le sablier.

 

 

Il montre également une folie des grandeurs, car il va s’identifier de façon récurrente avec le roi, le pape et même le christ, cela pour exprimer ses sentiments, sa haine ou ses idées.

 

Autoportrait de Focus en Jésus-Christ

 

Détournement du tableau de Joseph Werner (1637-1710), Lous XIV en Apollon

 

Formé par Louis Ferdinand Elle, puis par Israël Silvestre, le peintre va connaitre des années de grande réussite professionnelle, par exemple il voyagera à Rome entre 1666 et 1669. En 1675 il présente un marceau de réception (aujourd’hui disparu) à l’académie royale de peinture et sculpture. Il y fut reçu comme peintre de paysages. Il obtient des commandes et produit des dessins et estampes.

Il aime peindre des scènes mythologiques qui montrent une grande culture et aussi des scènes de théâtre. Il est donc très possible qu’il ait été souvent présent dans de grandes représentations de son temps.

 

L’accouchement de Cybèle

 

En 1683, son nom apparait pour la dernière fois dans la liste de membres de l’académie, avant la mention de sa mort en 1708. Il a certainement été interné dans l’hôpital des petites maisons. Cet hôpital de nos jours disparu était situé à l’emplacement de l’actuel square Boucicaut à Paris. Depuis 1557, cette maison d’aliénés accueillait des fous considérés incurables certifiés par attestation médicale. Le montant de la pension pour résider était élevé, donc seuls les malades aisés ou bénéficiant d’une protection pouvaient y résider. Malheureusement, concernant la période dans laquelle Focus aurait résidé aux petites maisons, aucun document ne nous est parvenu.

 

Dans un acte où les membres de l’académie étaient enregistrés lors de sa mort, une simple note en pied de page nous indique la date de son décès.

 

 

Cet artiste est un des rares exemples de l’art des aliénées au XVIIème siècle. Son imagination, ses obsessions et son sens du détail hors pair méritent de l’admiration et de la reconnaissance que le temps et l’oubli lui ont enlevées.

 

 

Cette exposition sera accompagnée par une performance/improvisations de Philippe Burin des Roziers (voix) et Clara Mühlethaler (violon baroque) à partir des phylactères figurant dans quelques dessins de la collection de Paris les 25 novembre 2018, 9 décembre 2018 et 4 janvier 2019.
Encore une raison de plus pour venir profiter de cette exposition.

https://www.facebook.com/events/491551138030066/

 

 

Source : école nationale supérieure des beaux-arts