Château du prieuré – Musée de la Batellerie et des Voies Navigables

 

Le Musée de la batellerie et des voies navigables est un lieu de rendez-vous incontournable pour tous les passionnés de la navigation par voie fluviale. Il est situé dans la ville de Conflans-Sainte-Honorine, qui est considérée comme la capitale française de la batellerie depuis 160 ans.
La ville de Conflans-Sainte-Honorine doit son nom à deux mots : « Conflans » qui vient de « confluant », lié au fait qu’elle est située au confluant de la Seine et de l’Oise, et « Sainte-Honorine », une sainte ayant vécue à l’époque gallo-romaine, et dont les reliques s’y trouvent toujours. Elle fût martyrisée au temps de la persécution des chrétiens et son corps jeté à la Seine va d’abord être enterré à Graville (Normandie) pour être déplacé et mis à l’abri à Conflans à l’époque des invasions normandes.

 

Église de Saint-Maclou (classée monument historique)

 

Le petit village fluvial va se développer au fil des siècles grâce à sa situation. Un prieuré va se construire à partir de 1080 autour des reliques de la sainte, ce qui amènera des pèlerins. Un droit de péage dit « de traverse » va amener des revenus, ainsi qu’une foire qui vont marquer un échange florissant entre les gens de l’eau et les gens de la terre.
À cette époque, la navigation vers Paris était compliquée du fait de la configuration naturelle du fleuve.

 

Au milieu du XIXe, un système révolutionnaire va augmenter l’importance de la ville : le touage. Une chaine était immergée dans le lit de la Seine et reliait Paris à Rouen. Elle permettait à un bateau toueur, qui se tractait grâce à cette chaine, de tirer un convoi de péniches.

 

Maquette d’un bateau toueur

 

Ceci améliorera énormément les conditions et l’efficacité de la navigation et des transports de marchandises faisant de la ville un important carrefour fluvial. Les mariniers en transit faisaient vivre le commerce local. Peu à peu, d’autres institutions en relation avec la batellerie vont s’implanter, par exemple l’école des mariniers, une bourse des échanges, etc. C’est à cette époque que Conflans-Sainte-Honorine devient la capitale de la batellerie.

 

Halte patrimoine – le Jacques, le plus ancien remorqueur français encore à flots, 1904, est visitable les dimanches

 

Beaucoup de mariniers, très attachés à leur métier et habitués à cette ville, vont s’y installer à leur retraite, ce qui leur permettait aussi de rester en contact avec leur famille ou leurs amis qui naviguaient encore.

 

Bateaux amarrés à la halte de plaisance de Conflans

 

Pour pouvoir raconter l’histoire de ce métier, le musée va ouvrir ses portes grâce à l’initiative de Louise Weiss et de la ville, avec l’aide du ministère de la Culture. Sa création en 1966 sera confiée à François Beaudouin, qui va lui donner une vocation nationale. C’est ainsi que va naitre ce musée qui s’intéresse à l’histoire de la batellerie sur les voies navigables que sont les fleuves, rivières, canaux et les grands lacs de France. Il devient le premier musée conçu à ce sujet à caractère national, exclusivité qu’il a conservée jusqu’à nos jours.

 

Grand salon du musée de la Batellerie

 

Entièrement rénové en 2015, il comprend des installations modernes adaptées à tous publics (bilingue, accès handicapé), implanté dans un lieu historique, dans un magnifique château du XIXe entouré par son domaine.

 

Parc du prieuré

 

Ses collections vont être constituées de plusieurs façons. D’un côté, le ministère va déposer un certain nombre d’œuvres majeures en relation avec la batellerie qui étaient dans des musées spécialisés. Par ailleurs, le musée comptait en son sein du personnel scientifique, qui va créer des liens avec les compagnies de navigation encore en activité. Ceci permettra, lors de la première crise pétrolière de 1974, de récupérer des archives et des œuvres, telles des maquettes, auprès de ces entreprises qui vont les donner à leur disparition. Enfin, grâce à la participation de M. Beaudouin, qui va participer à de nombreuses enchères à Paris et qui n’hésitera pas à aller également chez les antiquaires spécialisés ou même aux puces pour enrichir les collections.

 

Casques utilisés pour les renflouements et les travaux fluviaux – celui de droite très endommagé, montre la dureté du métier

 

Le musée reçoit encore de nos jours des dons de la part de mariniers passionnés qui ne veulent pas voir disparaitre leur patrimoine, comme des parties de leurs bateaux.
Les collections regroupent des œuvres et des objets du XVIIe à nos jours. Elles ont l’avantage d’être très variées pour plaire autant à ceux qui cherchent des objets techniques, comme des maquettes, comme ceux qui cherchent des œuvres d’art comme des peintures, sculptures, faïences, etc.
Le musée compte aussi une importante réserve pour ceux qui souhaitent faire des recherches approfondies. Il organise aussi des expositions temporaires et comporte un centre d’archives et de documentation (livres, cartes postales, photographies, etc.) qui est consultable sur rendez-vous.

 

Ce musée peut nous aider à comprendre l’importance de la batellerie et du commerce fluvial largement développé au XIXe grâce à l’exceptionnel réseau hydrographique français ; au début du XXe, on pouvait quasiment faire le tour de la France en empruntant des voies navigables naturelles ou aménagées. En prenant une carte de France, on peut remarquer que toutes les grandes villes, Bordeaux, Lyon, Strasbourg, Lille, etc. sont implantées à côté d’un confluant ou au moins le long d’un fleuve ou d’une rivière.

 

Maquette représentant la batellerie de l’Adour.

 

Il faut penser que du moyen-âge jusqu’au développement du chemin de fer, c’était l’unique façon de ravitailler une ville de plusieurs dizaines de milliers d’habitants. Des marchandises telles que les graines, le vin, mais aussi du matériel de construction ou encore du bois de chauffage puis le charbon par la suite pouvaient arriver aux centres de nos villes grâce aux voies navigables.
Un système de canaux et l’invention des écluses vont permettre de naviguer d’un bassin fluvial à l’autre. Cela a permis par exemple que depuis le XVIIe on ait pu transporter des marchandises depuis Nantes jusqu’à Paris sans interruption.

 

Ce tableau nous illustre un train de bois, moyen de transporter du bois par flottage

 

La navigation se faisait en général depuis l’amont. Par rapport à la Seine, on recevait les trains de bois qui amenaient le bois de chauffage. Seuls les produits de luxe comme le sucre, les épices ou encore les porcelaines de Chine pouvaient remonter le fleuve depuis le Havre pour justifier l’énorme coût de transport. Par exemple, le passage de certains ponts demandait la force de plusieurs hommes et chevaux pour remonter le courant.

 

Solidarité, les haleurs – Louis Hertig (1880 – 1958)

 

Tous ces échanges ont transformé nos villes et nos paysages. Le meilleur exemple est le barrage mobile qui permet à nos fleuves et rivières d’avoir un flux stable. La Seine qui de façon naturelle était soumise, avant le XIXe, à des périodes d’eaux basses : en été on pouvait même la traverser à gué. Ces transformations ont permis de transporter de plus en plus de marchandises dans des bateaux de plus en plus gros et pendant toute l’année.

 

Maquette de l’écluse de Janville (Oise)

 

De nos jours, il existe un second souffle de la batellerie. Les portes-containers, qui peuvent contenir une grande variété de marchandise, représentent une importante partie de leur activité, car pour cela, la navigation est un moyen de transport compétitif par rapport aux autres. Il y a aussi l’évacuation des déchets et des déblais, dans un souci écologique et qui apporte une solution à la congestion des voies terrestres.

 

Maquette d’un porte-container fluvial

 

Enfin, le musée à un avantage : il est situé sur un éperon surplombant la Seine, ce qui permet de voir, comme dans un écran, passer les bateaux qui de nos jours permettent de perpétuer le métier de batelier.

 

Vue depuis l’éperon rocheux

 

 

Merci à M. Roblin, conservateur du musée pour m’avoir reçu et à toute son équipe.
Toutes les photos illustrant cet article ont été prise au sein du musée et dans la ville de Conflans-Sainte-Honorine.