Normalement, lorsqu’on construit une place, on met une sculpture au milieu… mais pour la place des victoires, c’était l’inverse :
On avait une sculpture tellement monumentale qu’il a fallu construire une place autour d’elle pour l’exhiber en beauté !
Nous allons découvrir quelle sculpture peut mériter un tel privilège.
Cette place s’inscrit dans l’histoire des places royales parisiennes. Les rois de la dynastie Bourbon veulent affirmer leur pouvoir dans la pierre. D’abord avec la place des Vosges, puis la place Dauphine, et avec celle-ci, c’est à Louis XIV d’avoir sa première place royale !
« Le plus beau discours d’un roi c’est sa place royale »
La place Royale a la caractéristique d’être un ensemble des bâtiments ordonnés et harmonieux, avec une unité architecturale. Ce sont des places théâtrales pour mettre en valeur l’effigie royale (comme dans la place du capitole a Rome avec la sculpture de marc Aurèle) et elles sont pleines de symboles du pouvoir royal.
Pour parle de cette place on doit parler d’un personnage :
François III D’Aubusson, Duc de la Feuillade, avait toujours été fidèle au roi, même au temps de la fronde, et louis XIV n’avait jamais oublié ça. Courageux aux armes, il se battu pour son roi aux champs de batailles ou il va être blesse plusieurs fois, il même a frôlé la mort. Pour cela, le roi le comble de sa reconnaissance et il va connaitre alors une ascension sociale. D’abord marquis, puis duc, puis Maréchal de France.
Il voulut alors faire une preuve de sa reconnaissance à son roi, dans un période très importante pour la France : le lendemain de la paix de Nimègue. Pour rappel, la paix de Nimègue en 1678 est une période qu’on pourrait considérer comme « le zénith du roi soleil ». La France récupère l’Alsace, la Franche-Comté, et écrase la Hollande. Ces traités vont faire de la France l’arbitre de l’Europe.
La Feuillade voulait que ce moment de gloire reste dans les mémoires ! C’est pour cela qu’il entreprend de sa propre initiative et avec le consentement du roi la création d’une sculpture.
L’artiste choisi était le maitre d’origine hollandaise dit « Desjardins ».
Une première statue en marbre va être réalisée, que le roi va très bien aimer et poser dans son orangerie de Versailles (ou elle se trouve toujours). Habillé à l’antique, la tête coupée par les révolutionnaires fût remplacée lors de la restauration.
Mais cette reconnaissance ne suffit pas. Le Duc de la Feuillade va demander au même artiste de faire une copie pour la placer à la vue de tout le monde, afin que le message de ce cette apothéose du royaume puisse rester vivante à jamais !
Une sculpture de sa majesté Louis XIV de 4 mètres de haut recouverte d’or qui s’élève sur son socle jusqu’à 12 mètres !
C’était en effet du bronze doré à la feuille d’or avec le roi revêtu en habits de sacre(L’abbaye de Saint Denis avait prêter le manteau du sacre à l’artiste pour réaliser la sculpture) Couronne en lauriers pour une victoire et avec ses royales pieds il écrase un cerbère à plusieurs têtes représentant l’alliance vaincu.. Le piédestal orné de relief et entoure de 4 sculptures des esclaves enchainés représentant les nations vaincues. (Espagnol, hollandais, Allemand de l’empire, et le Brandebourg)
Quatre magnifiques fanaux devaient éclairer la statue. La Feuillade voulait que ce soit allumé jour et nuit comme un sculpture sainte, mais le roi en personne va renoncer à cette éclairage idolâtre, et la Feuillade va se contenter de la faire éclairer que la nuit. Et comme la sculpture est en Or ça va refléter la lumière et c’est ainsi que le soleil peut briller même en pleine nuit.
Et c’est ici qu’on va décider de placer ce monument à la vue de tous !
L’endroit était bâti depuis le temps de Richelieu.
Mais pas de problème : le duc de la Feuillade va acheter le somptueux hôtel particulier de la ferté Santerre et aussi celui d’à côté : l’hôtel d’Hémery (ou habite Charles Perrault – celui des comptes- que va devoir quitter sa maison, ainsi que d’autres bâtiments, tout cela pour des sommes faramineuses. Il va tout faire démolir jusqu’à laisser un emplacement suffisant pour la construction d’une place pour mettre la sculpture de sa majesté. La Feuillade va tellement investir dans ce projet qu’il va se retrouver sans argent et va devoir demander de l’aide à la ville de Paris pour l’achever.
Le plan architectural de la place sera confié à l’architecte Hardouin-Mansart.
Par manque de ressources pour les racheter, on va devoir conserver les hôtels de Rambouillet et de la Pomponne qui vont interrompent la symétrie circulaire. On va quand même refaire leurs façades pour conserver la symétrie de la place que va finalement avoir une forme d’Omega.
Hôtel Rambouillet sera habiter par l’écrivain La Fontaine. Le bâtiment est l’unique qui date de l’époque de Louis XIII. Celui d’à côté, l’hôtel de la Pomponne, a disparu au XIX siècle pour percer la rue Étienne Marcel. Le bâtiment à l’angle de la rue Étienne Marcel est d’époque haussmannienne.
Ces bâtiments sont de nos jours classés monument historiques, et même si la place a été remaniée au cours des 3 siècles passés, on voit très bien cette uniformité harmonieuse des places royales : un soubassement à bossages continu avec des arcades et surmonté de deux niveaux ornés de pilastres ioniques colossaux et des lucarnes dans un toit en ardoise. Petit détail : les mascarons dans les arcades.
Lors de l’inauguration en grande pompe de la sculpture le 28 mars 1686 le roi ne sera pas présent. Il approchait de l’âge de 50 ans et selon les chroniques, il était vraiment malade avec une grosseur au côté. C’est son fils ainé « monsieur » le dauphin qui va représenter son père lors de la cérémonie (avec tous les grands du royaume, une parade, des cadeaux au peuple, à manger, du vin, des feux d’artifices, etc.). Mais les bâtiments n’étaient pas encore finis et on pouvait voir à la place des toiles peintes représentant le projet des façades tel des décors de théâtre. Les travaux pour les façades vont continuer pendant 4 ans (mais le plus important…. La sculpture était déjà là).
On est sûr que le roi l’avait visité une seule fois un an après son inauguration, alors qu’elle était encore en travaux, mais on ne connaît pas son avis… Le roi ne venait que rarement sur Paris durant les 15 dernières années de son règne : il ne visitera Paris que 4 fois !
La Feuillade sera restée fidèle à son roi jusqu’à sa mort peu après une campagne de guerre en 1691, alors que les bâtiments de la place venaient d’être juste finis.
Que vont penser les parisiens de cette place ? L’opinion publique en général trouve que la place n’est pas trop discrète… il faut dire que l’ensemble sculptural est chargé et tellement massif qu’il se trouve presque à l’étroit. Et il sera durement critiqué.
Politiquement, pour le reste de l’Europe, cette sculpture est ressentie comme une humiliation et va alimenter l’envie de représailles.
Vous pouvez imaginer que cette sculpture ne va pas être bien vu pendant la révolution française,
Cependant les bas-reliefs et les sculptures d’esclaves seront sauvées grâce à l’initiative des artistes (dont David) et sont de nos jours conservées au musée du Louvre.
Pour la partie de l’éclairage, 11 des 12 médaillons des fanaux ont été conservés ( éparpilles Louvre et ailleurs) Et 4 des colonnes ont servies à la création du baldaquin de maitre autel de la cathédrale de Sens.
Pendant le Consulat 7 monuments seront projetés, le plus souvent inspirées de l’antiquité égyptienne. Ce va et vient n’était pas uniquement guidé par des choix artistiques, mais aussi pour des raisons politiques. Certains projets farfelus ne verront pas le jour comme celui d’atteler un char tiré par les chevaux antiques pris par Napoléons lors de ses campagnes d’Italie à l’église de Saint Marc à Venice. Ceux-ci ont finis sur l’arc de carrousel avant d’être rendu à ses propriétaires Vénitiens.
Le monument actuel a été placé lors de la restauration, par décret de louis XVIII. On devait rétablir les statues royales dans leurs emplacements originaux. Réalisée par le sculpteur Bosio qui va se battre pour la réaliser en bronze plutôt qu’en marbre tel que c’était prévu. Il put ainsi avoir le cheval plus libre, appuyé seulement sur la queue et les pieds.
C’était l’époque de la révolution industrielle explosion du commerce et ascension bourgeoise et ca se voit dans les façades, plein des artisan, commerçant et banquiers vont s’installer dans la place
Cette place nous raconte en 3 siècles toutes les grandes histoires de la France !
Merci à la bibliothèque de Paris pour ces beaux document de la réserve centrale
Bibliographie et images:
La Place des Victoires / Fernand de Saint-Simon
La Place des Victoires et ses abords (catalogue d’exposition)