A Saint-Denis se trouve un cœur brisé par la douleur.

Le cœur du petit Louis Charles, appelé louis XVII, a bien connu l’enfer à la fin de sa courte vie.
Fils de Marie-Antoinette et de Louis XVI, il n’était pas destiné à régner. Son frère Louis Joseph était le dauphin. 

La reine et ses enfants

 

Mais son frère était atteint d’une maladie depuis son enfance « la tuberculose osseuse » et on ne savait pas combien d’années lui restait à vivre.
Marie Antoinette et Louis XVI étaient des parents affectueux. Ils adoraient passer du temps avec leurs enfants, ils les prenaient dans leurs bras avec grande tendresse… C’est pour cela que quand le dauphin Louis Joseph est mort en pleine séance des états généraux, la famille royale s’est effondrée.

C’est dans ce contexte très compliqué, un mois avant la prise de la bastille, que le petit Louis Charles devient le dauphin de France.

Le petit va suivre ses parents dans tous les éventements révolutionnaires, il va être arraché par une foule en colère de sa maison à Versailles, puis il va habiter aux Tuileries, il sera présent pendant la fuite ratée à Varennes, et il sera amené dans la prison de Temple où il va partager la captivité de la famille royal à partir d’août 1792.

La Tour du Temple

 

Il va devoir dire adieu à son père, condamné à mort par les révolutionnaires ; vous pouvez imaginer la douleur d’un tel moment pour un enfant qui sait qu’il ne reverra plus jamais son père. En larmes, Louis XVI donne l’instruction au dauphin de pardonner à ceux qui le feraient mourir.
Le 21 janvier 1793, Lois XVI mort guillotiné en place de la révolution… le roi est mort…vive le roi Louis XVII.

Le 21 janvier 1793, Louis XVI est guillotiné

 

Ce petit enfant de 8 ans devient roi pour certains et un ennemi de la révolution pour d’autres. Que faire de cet enfant ? Il était contre la moral de l’époque d’envoyer un enfant à l’échafaud, c’est le grand débat pour les révolutionnaires, on rentre dans une période connue sous le nom de la terreur.

Oh liberté ! Que de crimes on commet en ton nom !

 

Le comité de salut publique va décider d’arracher l’enfant à sa mère et le place dans un appartement à part « le mieux défendu de tout le local du Temple » et ils vont lui nommer un nouvel éducateur : un cordonnier presque illettré et ivrogne, fervent défenseur de la révolution : le cordonnier Simon. Ce cordonnier a pour but de faire oublier à l’enfant son rang royal.

Le Cordonnier Simon

 

Il va lui apprend de gros mots, des chansons révolutionnaires et va même utiliser l’enfant pour pouvoir condamner à mort sa mère : il va faire l’enfant signe une déclaration qui accuse sa propre mère de relations incestueuses. Évidemment, cette déclaration n’ira nulle part « parce que la nature elle-même rejette une telle accusation » comme avait dit Marie-Antoinette lors de son procès.
La reine est quand même guillotinée après son procès le 16 octobre 1793. Le petit Louis XVII ne le saura jamais ; lorsqu’il rentre de promenade, il continue à poser des fleurs devant la porte de son cachot car il la croyait encore en vie.

16 octobre 1793, Marie-Antoinette est exécutée

 

Sa tante Madame Elisabeth aussi va être guillotinée, au Temple ; il ne reste plus alors que sa sœur Marie Thérèse , qu’il n’avait pas le droit de voir.

En janvier 1794, la femme de Simon tombe malade et le cordonnier et sa femme vont décider d’abandonner le Temple. Peut-être étaient-ils lassés d’habiter dans une prison ; quoi qu’il en soit, Simon va prendre des fonctions plus intéressantes au sein de la commune.
Cela est bien une preuve du manque total d’attachement pour le petit enfant qui va désormais rester complètement abandonné. C’est la part la plus effrayante de son histoire.

Louis XVII (1785-1795) allongé dans sa cellule de la prison du Temple où il est enfermé depuis le 13 aout 1792. Il meurt au Temple le 8 juin 1795 , conservé à la BNF

 

Cet enfant de 9 ans, seul, est enfermé dans un horrible cachot obscur sans personne pour venir l’aider à faire sa toilette, faire le ménage ou même lui adresser la parole. On se limite juste à lui donner à manger par un guichet. Il va rester comme ça plusieurs mois, du début d’année jusqu’à la chute de Robespierre en Juillet ce fameux 9 thermidor après que l’on ait guillotiné tous les responsables de la terreur. Il sera resté isolé pendant 6 mois.

(Petite curiosité : parmi les guillotinés très connus comme Robespierre, il y aura aussi le cordonnier Simon)

Le nouvel homme Politique Paul Barras va décider de se rendre au temple pour voir ce que devient l’enfant de Louis XVI et il va être impacté par la découverte de l’état de dégradation extrême dans lequel se trouve ce petit enfant. Il ne parle plus, il est infesté par la gale et la tuberculose.
Il va nommer un nouveau gardien et on va prendre des mesures pour améliorer les conditions de vie du petit qui vont s’améliorer pendant le derniers 10 mois de sa vie. Mais il était trop tard. Affaibli par les maladies qu’il avait contractées lors de son isolation, on essayera de le soigner, mais il finit par mourir le 8 juin 1795 à l’âge de 10 ans.

Son corps sera autopsié par le docteur Pelletan afin de bien vérifier la cause de la mort. Le docteur va dire dans son rapport d’autopsie que sa faible constitution et son maigre corps vont succomber de la tuberculose qui l’avait affaiblit depuis des mois et une crise de péritonite aigüe qui finit par l’achever.

Docteur Pelletan (1747-1829)

 

C’est justement dans ce rapport d’autopsie qu’il va aussi raconter une idée que lui est venue à l’esprit : celle de s’emparer en toute discrétion du cœur de l’enfant mort et le garder dans sa poche. Après, le cadavre du petit roi va être jeté dans une fosse commune au cimetière de St Marguerite.

Bien sûr que la mort du petit roi dans de telles conditions a été inacceptée et dès sa mort, des rumeurs de sa supplantation vont apparaitre. L’enfant mort ne serait pas Louis XVII, mais un autre enfant qu’on lui aurait substitué.

C’est bien pour cela que l’on a essayé d’exhumer ses restes au cimetière de St Marguerite, à plusieurs reprises dans le temps, mais impossible de le trouver parmi pleins d’autres corps dans une fosse commune.

Évidement les enjeux étaient très importants et cela a provoqué que pendant toute la première moitié du XIX siècle, une foule de prétendant au trône de France vont déclarer être l’enfant du Temple rescapé et bien vivant !

On ne peut pas tous les nommer car la liste de présumés Louis XVII est trop longue. On peut peut-être juste citer le cas le plus curieux, celui de Charles Naundorff, un horloger qui avait été très populaire et avait beaucoup de partisans reliés à sa cause pour défendre cette idée, et qui avait obtenu du roi du Pays-Bas la permission d’avoir comme nom de famille « Bourbon ». Et donc, ses descendants sont toujours appelés ainsi, même de nous jours Bourbon.

Charles-Guillaume Naundorff (1785-1845)

 

Mais pendant tout ce temps, qu’est devenu le cœur de Louis XVII enlevé en secret par le docteur Pelletan lors de l’autopsie ?

Le docteur Pelletan va le garder dans l’alcool et le cœur va devenir dur comme de la pierre.
Il va essayer de rendre ce cœur à la famille du petit roi pendant la restauration, mais ils vont refuser et finalement il va le donner à Monseigneur de Quelen, archevêque de Paris. Pendant la révolution de 1830 l’archevêché va être pillé et le cœur va être récupéré par le fils du Docteur Pelletan qui va se rendre personnellement à l’archevêché pour sauver la royale relique.

Mise à sac de l’archevêché (15 février 1831)

 

La relique après va être récupérée par de la famille lointaine de Louis XVII et va finir pour être donnée à la basilique de Saint-Denis en 1975 par la princesse Massimo.

Une étude ADN réalisée dans les années 2000 grâce à un morceau prélevé du cœur pétrifié et des cheveux de Marie Antoinette va prouver scientifiquement que le cœur appartenait réellement à un fils de Marie Antoinette.

On pourrait croire que cela va mettre d’accord tout le monde comme quoi l’enfant mort au temple était bien Louis XVII ?

Mais en fait, non. Des historiens défendent que le cœur ne fût pas celui de Louis XVII mais celui de Louis Joseph, son frère mort avant la révolution française. Les défenseurs de cette position disent que les 2 cœurs se trouvaient chez l’archevêque au moment des émeutes de 1830 et que le cœur récupéré n’était pas celui de Louis XVII.

Cette histoire n’en est pas moins passionnante. Rendez-vous compte ! Si dans un avenir hypothétique la monarchie venait à se rétablir en France, les défenseurs des différentes positions ne pourront jamais se mettre d’accord, car il y a encore de royalistes et parmi eux des survivantistes (défenseurs de la survie du roi à son séjour dans le Temple) et les débats pourraient encore se prolonger dans le temps.

Lors de la cérémonie du 8 juin 2004, pour l’anniversaire de sa mort, le présumé cœur de Louis XVII a été placé sous le médaillon représentant le portrait du jeune roi.

Cœur de Louis XVII

 

En attente d’une réponse définitive, on pourrait dire qu’ici repose l’une des plus grandes énigmes de l’histoire de France.